Mon plan vaincquera (ft.Adaline)

« Depuis toute petite, la Princesse Adaline de Firelia se demandait comment un être humain pouvait être habité par deux émotions aussi fortes que contradictoires. Son premier souvenir avec Ryklaros, son dragon, était un souvenir chargé de deux de ces émotions : elle fut habitée d'un amour sans limite et d'une terreur impressionnante. La deuxième ne resta pas longtemps, mais elle avait été très intense. Plus tard encore, les rencontres de la petite princesse avec ses deux belles-sœurs, furent toutes deux chargées de joie et d'appréhension. Une fois encore, la seconde ne resta pas bien longtemps après les avoir rencontrés, mais l'intensité de son appréhension dans les deux cas avait été telle, qu'il lui fallut quelques heures pour s'en défaire. Aujourd'hui encore, deux émotions fortes s'agitaient en elle avec force, absorbant toute son énergie.

Cela faisait pourtant des années qu'elle savait que ce jour arriverait. C'était après tout une coutume ancestrale à Rāykār. Ce n'était pas une nouvelle qui lui était tombée dessus un beau jour comme ça. Et pourtant. Pourtant quand ses parents vinrent à elle pour lui annoncer que les invitations pour le tournois avaient été envoyées, elle eut l'impression d'être brutalement assommée. A 18 ans à peine, elle s'apprêtait à emprunter le chemin déjà emprunté par bon nombres de princesses avant elle, et tout autant après elle encore. Ses belles-sœurs y étaient passées, quittant leurs royaumes pour rejoindre leurs époux à Firelia et aujourd'hui, c'était aujourd'hui son tour à elle, seule princesse de Firelia.

Comme tous les matins, Rosa, sa dame de compagnie, était venue la réveiller, avant que de multiples servants n'aient commencés à s'agiter autour d'elle et dans tout le château. Aujourd'hui était un grand jour : les princes des autres royaumes allaient affluer à Firelia pour le lancement du tournoi en son honneur, à l'occasion duquel le gagnant se verrait offrir sa main en mariage...oui, c'était une grosse journée qui l'attendait, journée qu'elle redoutait plus que tout. Elle était parvenue à s'échapper quelques instants pour retrouver Ryklaros, avant d'être rappelée à l'ordre par Rosa, agacée par ses multiples disparitions, disparitions qui étaient d'ailleurs étrangement de plus en plus fréquentes lors des visites d'un des princes qui était justement en chemin.

Princesse, cela fait des heures que je vous cherche...vous devez vous préparer, les princes sont en chemin et il ne faudrait pas qu'ils vous trouvent dans cet état ! Rapidement, la princesse jeta un coup d'oeil à sa tenue qui était à ses yeux, tout à fait convenable, avant de se souvenir qu'elle se devait d'être désirable pour l'occasion. Elle consentit donc à laisser son dragon, afin de rejoindre sa chambre pour se préparer.

Un bain plus tard, Rosa demanda l'aide d'une servante afin d'habiller la princesse : dessous, corsage, puis enfin, une magnifique robe rouge qui lui allait à ravir, conçue exprès pour cette occasion, sublimée par une magnifique tiare sertie de rubis, ornant joliment ses cheveux bouclés et d'un sublime collier en or, rubis et perle d'Aqualia, avec les boucles d'oreille de perles assorties. Elle avait un nombre certains d'autres jolies robes à porter durant toute la durée du tournois, toutes plus belles les unes que les autres. Mais même cette jolie robe ne suffit pas à lui donner le sourire.

Oui, aujourd'hui encore, la Princesse Adaline de Firelia était encore habitée par deux émotions aussi fortes que contradictoires. Aujourd'hui,Kyras d'Aqualia, l'homme qu'elle aimait, était en chemin. Elle allait pouvoir le retrouver, se blottir contre lui et s'enivrer de son odeur. Mais aujourd'hui, marquait également le lancement d'un tournoi auquel le nom de son aimé n'apparaissait pas. C'était son grand frère le candidat d'Aqualia. Alors, dans le meilleur des cas, elle serait contrainte d'épouser le prince de Tiera ou celui de Windalia et dans le pire, elle épouserait celui qu'elle aurait préféré être son beau-frère, se retrouvant vivant à Aqualia, avec Kyras, certes, mais en tant que sa belle-soeur. Ils seraient proches, mais totalement hors de portée, sans la possibilité de se toucher, de s'embrasser ou de rêver à une vie à deux, et elle serait forcée de le voir un jour se soumettre à son tour au tournois et ramener sa propre femme au château...Quelle joie.
Alors oui, son coeur était en joie à l'idée de le retrouver, mais également lourd à la perspective des événements à venir, ce que Rosa remarqua sans peine. Ne vous inquiétez pas princesse, tout se passera bien ! lui dit-elle alors en posant une main amicale sur son épaule, avant de quitter la chambre, laissant la princesse seule face à son reflet. Là, comme ça, parée et apprêtée, elle se faisait l'effet d'une femme. Nul doute qu'elle serait au gout des prétendants du jour. Il n'y avait pourtant qu'à un seul homme qu'elle voulait plaire : au seul qu'elle ne pourrait avoir.

Quelques seconde à peine après le départ de Rosa, trois coups se firent entendre sur la porte de sa chambre, coups qu'elle reconnu sans peine, mais qu'elle n'était pas habituée à entendre ici. D'ordinaire, ils se retrouvaient dans d'autres pièces du château pour ne pas éveiller les soupçons. Jamais encore il n'était entré dans sa chambre. Ils s'étaient bien sûr embrassés de nombreuses fois tard le soir, devant la porte, mais il n'en avait encore jamais passé le seuil. Elle s'élança donc avec hâte jusqu'à la porte afin de réduire au maximum les chances qu'il ne soit aperçut par un servant de passage. Elle ouvrit la porte à la volée, posa sa main sur son poignet et l'attira sans plus attendre à l'intérieur, le coeur battant.

Mais enfin, qu'est-ce que tu fais là ? Tu as perdu l'esprit ? N'importe qui aurait pût te voir... elle lui demanda un large sourire aux lèvres en le poussant délicatement contre la porte à présent refermée. Malgré ses légères remontrances, elle ne pouvait cacher la joie qu'elle ressentait à le voir là, et à l'avoir auprès d'elle. »  

« Il était là, enfin, tout près d'elle. Elle avait enfin le sentiment d'être entière et pourtant, ses craintes ne la quittaient pas. Elle n'osait imaginer ce qui leur arriverait à tous les deux s'ils étaient pris sur le fait. Leur histoire était déjà sensible de part sa simple existence, mais si quelqu'un trouvait l'un des princes de passage, dans la chambre de la princesse en l'honneur de qui le tournois du jour était organisé, la situation serait plus que délicate pour les deux amants. Ils n'avaient pas le droit de s'aimer, ils le savaient, mais ils n'avaient pas pu s'en empêcher. Leur amour crevait pourtant les yeux, et Dela se disait souvent que c'était plus que surprenant qu'ils n'aient toujours pas été démasqués. Les nombreuses visites du prince au château, les tout aussi nombreuses heures pendant lesquelles ils disparaissaient étrangement en même temps, les joues rouges d'amour et d'embarras dès qu'ils se trouvaient dans la même pièce, les regards échangés et les discrètes caresses volés entre deux portes...rien de tout cela n'avait attiré l'attention de qui que ce fut. Il serait donc sacrément dommage qu'ils se fassent prendre aujourd'hui, à quelques heures du début du tournois qui marquerait officiellement et à tout jamais, la fin de leur histoire.

Elle préférait ne pas y penser, cette perspective lui étant inenvisageable. Comment le pourrait-elle ? Comment pouvait-elle envisager une vie sans celui qu'elle aimait, celui qui s'était si rapidement emparé de son cœur, le premier et le seul à avoir posé les mains sur elle, le premier et le seul à être parvenu à faire battre son cœur de cette façon ? Impossible. Non, au lieu de penser à la suite, elle préférait se repaitre de son visage, de son sourire et de son regard, un peu comme si c'était la dernière fois.

- J'avais pensé qu'une visite te ferait plaisir, avant notre séparation... A ce mot, "séparation", ses yeux s'assombrirent furtivement, avant qu'ils ne se ferment, savourant son baiser.

- J'en suis la plus heureuse... elle lui répondit, se délectant de son odeur qui lui caressait les narines. Elle pourrait envisager sans la moindre peine, de passer toute sa vie là, dans ses bras. Le seul autre endroit où elle se sentait pleinement à sa place, c'était quand Ryklaros était avec elle...Aujourd'hui, il y avait Kyras et il fallait bien admettre que son contact était sacrément plus agréable que celui de son dragon.

Elle se laissa guider jusqu'à son lit et s'y assis sans émettre la moindre résitance, gardant le plus possible sa main dans la sienne. De l'autre, elle vint triturer délicatement les perles de son collier, comme elle le faisait si souvent. Les perles venant qu'Aqualia, elles étaient donc plus que précieuses pour la princesse. Depuis le début de son histoire avec Kyras, elle en avait presque toujours sur elle, surtout en l'absence de sa moitié, et même s'il se tenait là, devant elle, elle ne pu s'empêcher d'avoir cette petite manie.

- Alors? Pas trop stressée? C'est tout de même un grand événement... Pas trop stressée ? Elle était terrifiée ! Cela faisait des années qu'elle repoussait l'échéance dans son esprit, se persuadant que si elle n'y pensait pas, cette sinistre journée n'arriverait jamais, mais les mariages de ses frères la rappelaient systématique à son destin. Elle avait beau vouloir ignorer ce qui l'attendait, les arrivées de ses belles-soeurs au château lui rappelaient qu'elle aussi, devrait un jour quitter son Firelia natal pour un autre royaume. Elle avait longtemps espéré qu'au moment où son tournois arriverait, ce serait au tour de Kyras de combattre pour Aqualia, mais en voyant les défaites de Callaghan, elle compris que cela n'arriverait pas, se résignant alors à son triste sort. Mais sa résignation n'amenuisait pas le moins du monde son angoisse et son appréhension. Elle ne savait pas avec qui elle allait finir, et le concurrent de Terralia lui faisait très peur...elle n'aimais pas du tout la façon qu'il avait de la regarder et il avait l'air bien plus âgé qu'elle, ce qui ne la rassurait pas beaucoup.

- Stressée ? Non pas le moins du monde...je suis terrifiée... elle lui répondit donc avec une rapidité trahissant la force de son sentiment et de son inquiétude. As tu vu le concurrent de Terralia...il fait peur à voir ! J'aurais tellement aimé pouvoir te voir concourir contre lui...je suis certaine que tu n'en aurais fait qu'une bouchée... elle ne pu s'empêcher de rajouter en portant le bout de ses doigts à sa joue qu'elle caressa tristement, appréciant malgré tout, le contact de sa peau enfin retrouvé. S'il avait eut la possibilité de combattre aujourd'hui, elle n'aurait pas eut la moindre inquiétude ou le moindre doute : son prince était de loin le meilleur de tous et avec lui, elle ne terminerait certainement pas entre les mains de n'importe quel homme. Mais ce n'était pas une éventualité aujourd'hui, et elle devait une fois de plus se faire une raison.

Il venta ensuite l'apparente motivation de Callaghan, ce qui tira un léger sourire à la jeune femme. Elle ne savait pas vraiment s'il lui fallait s'en réjouir, mais Callaghan n'était pas méchant, c'était déjà ça...c'était un vrai coureur de jupons, mais il ne risquait pas de lui faire de mal physiquement (contrairement à cette étrange créature de la terre qui la dévorait toujours des yeux, elle en était persuadée).
- Toute princesse se doit d'avoir un amant, non? il lui dit en riant, avant de lui donner son premier baiser du jour, et comme toujours, elle se sentit défaillir. Ce baiser avait tout d'une nouvelle forme d'oxygène faite juste pour elle, et elle ne s'en lassait pas le moins du monde. Ce baiser aussi doux fut-il, ne détourna cependant pas suffisamment l'attention de la belle, qui renchérit à son tour Je suppose...mais quand l'amant aura à son tour une femme à qui il devra faire des enfants, la princesse se retrouvera seule...Si c'est Callaghan qui gagne ce tournois, le prochain sera pour toi, et tu ramènera un jour une femme au château et tu ne seras plus jamais à moi...je ne sais pas si je pourrais supporter une telle chose...
Etre mariée de force lui paraissait déjà suffisamment difficile à vivre, pour devoir le faire en compagnie de la femme de celui qu'elle aimait. Elle ignorait lequel de ses maux seraient le moindre, mais aucune de ses perspectives ne la réjouissait vraiment.

Heureusement pour elle, son prince détourna son attention en s'agitant un peu, fouillant dans sa bourse pour en sortir un petit écrin en coquillage qu'il lui tendit. Elle ne se fit bien sûr pas prier pour la saisir les yeux brillants, et l'ouvrit avec délicatesse, découvrant alors un magnifique bracelet de perle parfaitement assortit au collier qu'elle portait. Le coeur sautant dans sa cage, elle releva les yeux vers Kyras qui la regardait en souriant et ne pu s'empêcher de se sentir chanceuse de l'avoir là, juste pour elle, même pour quelques courts instants.

- Il est magnifique...merci beaucoup ! Une fois de plus, elle porta sa main à son visage et se pencha vers lui pour lui donner un chaleureux baiser. Elle reprit ensuite sa place, attrapa délicatement le bracelet et le lui tendit ainsi que son poignet Tu veux bien me l'attacher ? Elle ne voulait pas attendre davantage. Cela lui semblait totalement inutile. Elle voulait porter toutes les marques possibles témoignant qu'elle lui appartenait.

Une fois le bracelet attaché, elle plongea son regard émeraude dans le sien, et déclara le plus naturellement du monde
- Savez-vous que je vous aime prince Kyras d'Aqualia et que mon coeur vous appartient entièrement ? Je donnerais ce que j'ai de plus précieux pour être tienne jusqu'à la fin de nos vies. Oui, elle pourrait même envisager de se défaire de Ryklaros, si cela lui garantissait de pouvoir être avec celui qu'elle aimait. »