Maisie O'Donnell - So hard to go on without you...

J'ai vu le jour il y a 28 ans de cela, partageant ma date de naissance avec l'être le plus important de mon existence : mon frère jumeau, Mason. Lui et moi, étions les jumeaux les plus clichés de l'histoire des jumeaux : complices et fusionnels, il était presque impossible de nous séparer. Quand il avait mal, j'avais mal, quand il était heureux, un sourire ne quittait pas mon visage, et quand je souffrais à en crever, il en était de même pour lui. Nous n'avions besoin de personne d'autre que de l'autre, ignorant toutes les personnes qui ne faisaient pas partie de notre monde. Notre grande soeur, Paula, souffrit d'ailleurs beaucoup de cette situation. L'exclusion, elle n'aimait pas beaucoup cela. Nous avions même mis au point un langage codé, compréhensible juste pour nous. Bref : il était mon univers et j'étais le sien.


Les années passèrent et notre complicité ne fit que grandir. Toujours l'un à côté de l'autre en cours, nous faisions en général, un seul travail pour deux. Pourquoi s'embêter à faire plus : nous n'étions qu'une seule et même personne après tout. Alors, à l'entrée au collège, nous parents décidèrent de nous séparer. Cela ne dura bien sur pas bien longtemps : trois semaines plus tard, nous n'étions plus que l'ombre de nous même, sans notre moitié. Nos résultats scolaires chutèrent considérablement et nous ne vivions plus que pour les moments où nous nous retrouverions. Alors, craignant pour notre santé mentale, ils nous remirent dans les mêmes classes, ce qui ne cessa pas jusqu'à la fin du lycée. Ce fut, tel un vrai petit couple que l'on fit notre entrée à l'université, partageant un appartement non loin du campus. Pas de petit ami ou de petite copine dans nos vies...nous n'avions pas la place pour cela. Et puis nos études nous prenaient tout notre temps. C'était le paradis : je partageais littéralement tout mon temps avec Mason. Ensembles en cours, en projets, en sorties, et à la maison, nous étions indissociables.


Et puis un soir, alors que nous rentrions d'une soirée d'anniversaire en périphérie de la ville, notre vie changea radicalement. Mason était au volant, quand un chauffard arrivant en face, sortit de sa voie, empiétant largement sur la notre. Pour l'éviter, Mason fit une embardée et en une fraction de seconde, la voiture s’emplâtra dans un arbre. Ma tête heurta violemment l'air bag qui m'explosa au visage, et je perdis connaissance. A mon réveil, j'étais à l'hôpital, toute seule et déphasée, avec une atroce sensation de vide. Émergeant à peine, je savais déjà qu'un drame s'était produit. Mason n'était pas avec moi et rien que ça, ce n'était pas normal, mais il y avait plus, j'en étais persuadée. Il fallut beaucoup de courage à mes parents, pour m'annoncer l'abominable nouvelle : mon jumeau, ma moitié, mon frère, mon univers, n'était plus. Il était mort sur le coup. L'autre conducteur ? Il avait appelé les secours depuis mon téléphone, avant de s'enfuir.

Voilà. Je n'avais plus de frère. Je venais de perdre bien plus qu'un frère : c'était une partie de moi qui venait de disparaître. Plus jamais je ne me blottirais dans ses bras, plus jamais je ne verrais son regard posé sur moi, plus jamais je ne verrais son sourire, plus jamais je n'entendrais le son de sa voix...j'étais seule. Abominablement seule, seule et abandonnée par la personne la plus importante pour moi.

Il me fallut des mois pour m'en relever. Retrouver notre appartement fut terrible pour moi. Notre vie, c'était à deux qu'elle était prévue et notre quotidien était fait pour deux. Alors envisager cet avenir seule...quelle torture.
Heureusement pour moi, Dylan, un ami très proche de Masson, était là pour moi. Mon frère, il le connaissait, presque aussi bien que moi. Alors je m'appuyais sur lui, lui laissant soin de m'aider et de me relever à chaque fois que je m’effondrais (ce qui m'arrivais très souvent). Il récupéra les clés de Mason et passait régulièrement pour s'assurer que tout allait bien pour moi. Ce fut en grande partie grâce à lui, que je parvins à encaisser le choc.


Deux années ont passés depuis cette terrible nuit et Mason me manque toujours autant. Je me surprend parfois à dire encore "nous" au lieu de "je" et je parle de lui continuellement, au risque d'en agacer certains. Mais je ne peux pas m'en empêcher : il occupe toutes mes pensées en permanence et je ne peux pas faire autrement. Mais maintenant, cette atroce douleur s'est un peu estompée. Je me réveille cependant toujours en me souvenant brutalement qu'il n'est plus là, les cauchemars sont toujours aussi nombreux et il m'arrive souvent de m'absenter le temps d'un instant, perdue dans mes souvenirs avec lui. Mais j'arrive à vivre à peu près normalement.

Et puis un matin, alors que je venais d'acheter deux cafés comme je le faisais tous les matins - oui deux, toujours deux -, je percutais par mégarde un homme qui allait changer ma vie. Malgré le contenu d'une de mes coupes renversée entièrement sur sa chemise, il ne se mit pas en colère, bien au contraire. Cet homme avait un regard d'une douceur inouïe et en sa présence, je me sentais étrangement bien.
- Je m'appelle May je lui avais dis ce jour là, un peu mal à l'aise
- Matthew... il m'avait dit en souriant, avant de gentiment me proposer de me repayer le café que j'avais pourtant moi-même renversé.

Depuis, Matt est toujours là quelque part, souriant et patient, apportant de fortes doses de joie et de bonheur à ma vie jusque là si éteinte et si restreint. J'ignore ce qu'il est pour moi au juste...je ne me suis jamais vraiment posé la question en fait...je n'en ai pas vraiment la force. Tout ce que je sais, c'est que c'est un sacré plus à ma vie, un plus que j'apprécie beaucoup.

Aujourd'hui, je tente de continuer à vivre sans l'homme de ma vie. J'ai encore du mal à appréhender l'avenir sans lui, mais mon petit doigt me dit que Dylan et Matt vont beaucoup m'aider à m'y retrouver.