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« 48 heures. Elle n'avait passé que 48h dans ce fichu hôpital et pourtant elle l'avait l'impression d'y avoir passé une véritable éternité. Les hôpitaux, elle en a toujours eu une sainte horreur, aller savoir pourquoi. Elle les trouvait morbides, lugubres et sacrément déprimants et elle était constamment habitée par cette profonde angoisse ressentie à son réveil quelques heures plus tôt. Et puis la solitude, ce n'était vraiment pas son truc. Ce n'était pas pour rien qu'elle avait pris ce boulot de nounou et qu'elle avait décidé de vivre dans la famille dans laquelle elle travaillait.
Ses parents étaient bien sûr venus passer quelques heures avec elle, mais leur départ lui fut tout autant difficile à vivre pour elle que sa solitude. Ses parents et son petit frère, elle ne les voyait pas souvent, et devoir leur dire au revoir, alors qu'elle se retrouvait seule ici, dans cet hôpital, lui fit immédiatement monter les larmes aux yeux.

Mais étrangement, ce n'étaient pas leurs visites qu'elle attendait avec le plus d'impatience : voir la petite tête d'Austin passer cette porte, précédant celle de son père, lui réchauffait vraiment le coeur et ce, en dépit des événements récents. Julian et Skye ne s'étaient pas vraiment quittés en bons termes avant la survenue de ce stupide accident (dont elle était en partie, en quelque sorte responsable)...la soirée de la veille avait été plus que mouvementée pour elle comme pour lui et des choses avaient été dites ce soir-là et le lendemain, choses qui auraient pu d'une certaine façon, ternir un peu leur relation jusque là si cordiale.

Alors, profitant un peu de la situation et de l'énorme bosse qu'elle avait sur le crane, Skye prétendit simplement ne plus se souvenir de rien, remettant en quelques sorte la pendule à zéro. Ce n'était peut-être pas vraiment honnête de sa part, mais elle ne voulait pas revivre ce qu'elle avait ressentit ce fameux matin et subir les remarques et les insinuations de Julian. Elle l'avait un peu cherché, certes, mais elle était plus que pompette (ce qui avait en partie expliqué son malaise le lendemain au volant). Une fois sobre, elle n'avait plus du tout été en état d'encaisser tout cela, ni même de jouer au même jeux que ce soir-là. Alors c'était peut-être la meilleure solution à leur problème. Et puis ça lui permettait de pouvoir véritablement se réjouir à la perspective de le voir débarquer aujourd'hui pour enfin la ramener chez eux.

Elles trépignait, littéralement, du moins dans la mesure de ses capacités de déplacements et de son état un peu long à la détente à cause des nombreux antidouleurs dont elle avait été bourrée depuis son arrivée. Alors quand la porte s'ouvrit sur les Tennant tous deux souriants, un grand sourire éclaira le visage de la jeune femme, qui tenta péniblement de se redresser pour sortir un peu de la position de malade qu'elle occupait jusque là et qu'elle exécrait au plus haut point. On te ramène chez nous ? Oh oui, par pitié ! elle s'empressa de répondre en retenant une grimace de douleur, encore peux habituée à avoir tout le buste si douloureux. Ses yeux s'arrondirent de peur en voyant son petit prince s'élancer vers elle. Elle mourrait d'envie de pouvoir le prendre dans ses bras, mais elle craignait plus que tout la maladresse de son empressement. Elle avait suffisamment mal comme cela. Heureusement, Julian rattrapa le petit monstre in extremis, et le réprimanda gentiment, affichant une petite moue sur le visage du petit garçon. Instantanément, le coeur de Skye se serra devant cette petite bouille, ignorant le fait que Julian venait de l'appeler une fois encore Abigaïl...bon sang ce qu'elle détestait cela !

Le petit garçon s'avança ensuite lentement dans sa direction, un gobelet de smoothie à la main, après avoir légèrement écorché ce mot, ce qui fit fondre le coeur d'artichaut de sa nounou. Avec l'aide de son papa, il se hissa jusqu'à elle et lui tendit le gobelet, qu'elle saisit en le remerciant et en passant une main chaleureuse dans son dos. Elle aurait voulu le serrer contre elle, mais sa position ne permettait pas qu'elle puisse le faire sans se faire mal. Elle eut à peine le temps de porter le gobelet à ses lèvres, que Julian reprit de plus belle, apparemment lui aussi impatient de sortir d'ici. Qu'à cela ne tienne : elle boirait son smoothie dans la voiture. Tu ne me le diras pas deux fois ! elle répondit en ponctuant sa phrase d'un petit rire lui tirant une nouvelle grimace, avant de sortir de son lit dans une manœuvre laborieuse et pas des plus gracieuse. Lentement, elle s'avança jusqu'à la salle de bain, afin de troquer cette robe d’hôpital ultra fine et très moche qu'elle portait jusqu'alors, contre ses propres vêtements ramenés par Julian.

Elle n'eut pas trop de mal à enfiler son jean et son soutient-gorge, mais elle réalisa que la tâche serait difficile pour son pull : lever les bras au dessus de la tête lui était presque impossible (d'où l'intérêt indéniable de la blouse à enfiler comme une veste). Il lui fallut quelques instants pour réaliser qu'elle n'avait pas beaucoup d'autres options que celle qui lui trottait dans la tête, ce qui lui fit monter le rouge aux joues et ce, avant même d'avoir demandé l'aide dont elle avait besoin. Elle inspira profondément, pris son courage à deux mains et appela Julian à l'aide d'une voix minuscule et pour le moins hésitante  Hum...Julian ? J'aurais besoin d'un peu d'aide par ici... Vigilante, elle pris soin de rester dos à la porte pour qu'il n'ait qu'une vue sur son dos en entrant...Elle s'était déjà montrée suffisamment aguicheuse avec lui, et elle ne voulait pas risquer de réitérer l'expérience. »  

« Stressée par sa requête, Skye resta debout là dans sa petite salle de bain froide et impersonnelle, se mordant nerveusement l'intérieur des joues. Elle était embarrassée, très embarrassée d'être incapable de faire une tâche si simple toute seule, mais plus encore d'embêter Julian avec ça. Ce n'était pas grand chose certes, mais avec ce qu'elle avait fait et insinuer quelques nuits plus tôt et ce qu'il avait été amené à lui répondre, elle ne pu s'empêcher de se dire que sa demande devait certainement embêter le père de famille. Mais elle ne pouvait pas vraiment faire autrement...elle n'allait quand même pas demander à son petit prince de venir l'aider ! Elle aurait certes pu solliciter l'aide d'une infirmière, mais elle ne voulait pas être encore envahie dans son intimité par une de ces femmes qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam, et qui ne faisait preuve à son égard, que du minimum de décence et de courtoisie dues à leur poste. Julian lui, il faisait en quelque sorte, déjà partie de son intimité...ils vivaient ensembles, se voyaient tous les jours, ils leur était même déjà arrivé de rire ensembles en buvant une bière une fois le petit couché...bref. Ils se connaissaient.

Quand il entra dans la pièce, elle baissa discrètement les yeux, craignant de croiser un regard qui pourrait la mettre un peu plus mal à l'aise et ne les leva qu'en l'entendant soupirer : elle l'ennuyait donc vraiment. Donne-moi ta main...Sentant le rouge lui monter aux joues, elle s'exécuta sans demander son reste, regrettant déjà de ne pas avoir demandé à une infirmière de lui venir en aide. Elle s'en voulait déjà suffisamment pour cette nuit-là, puis d'avoir chamboulé le quotidien de Julian avec son stupide accident...la dernière chose qu'elle voulait, c'était le déranger davantage. Elle était là pour lui simplifier la vie, pas pour la rendre un peu plus compliquée.

Je vais sortir tes cheveux de là. Elle grimaça allègrement durant la manœuvre et ce, en dépit de la délicatesse avec laquelle Julian la manipulait, et seul le bref contact de sa peau avec sa nuque détourna ses pensées de sa douleur et de ses préoccupations. En effet, un léger frisson commença à courir le long de sa nuque en sentant sa main au contact de cette région si sensible chez elle, ravivant d'étranges sensations ressenties en sa présence et un peu oubliée pour le bien être de tous. Se frisson raviva un peu le feu de ses joues, tandis qu'elle sentit son regard posé sur elle sur la glace. Hésitante, elle leva les yeux et perçu son regard totalement exempt d'émotions, positives ou négatives, accentuant une fois de plus son malaise.

Ça va ? Tu es prête a y aller cette fois Abigail ? Et un Abigail de plus, rajoutant une petite brique au mur entreprit depuis ce matin-là, dans le but de mettre de la distance entre eux.

Hum...oui. Elle marmonna d'une voix presque inaudible, avant d'essayer de se ressaisir afin de faire les choses bien. Elle se tourna donc doucement, lui faisant face, avant de rajouter avec un peu plus d'assurance, mais sur le même ton adopté par son...employeur ? Oui, c'était tout ce qu'il était à présent de toute évidence

Désolée de t'avoir embêté avec tout ça Julian...l'accident et maintenant ça...tu seras tranquille maintenant que je pars d'ici...et merci du coup de main...j'opterais pour des vestes ou des pulls à fermeture éclaire à partir de maintenant... elle ponctua sa phrase d'un petit rire forcé trahissant totalement son malaise, avant de le contourner et de rejoindre la chambre sans un mot de plus.

Austin l'attendait avec son verre de smoothie qu'elle n'avait toujours pas goûté. Merci mon chéri ! Elle lui dit en souriant, saisissant de nouveau le gobelet pour le porter directement à ses lèvres. Hum !
C'est délicieux ! Merci mon grand ! Elle lui dit en lui ébouriffant légèrement les cheveux, alors que Julian quittait à son tour la salle de bain. C'était plutôt le papa qu'elle devrait remercier pour cette petite attention, mais il n'avait pas l'air particulièrement dans les meilleurs dispositions pour accueillir d'autres remerciements parfaitement inutiles dont il n'avait certainement rien à faire.

Son gobelet à la main, elle entreprit de rassembler ses dernières affaires d'un pas bien trop lent à son gout, avec l'aide du petit garçon qui, ne percevant heureusement rien de l'état d'esprit de sa nounou, était tout à sa joie de la retrouver. Il lui raconta ses dernières aventures à l'école et elle l'écouta d'une oreille bien plus distraite qu'elle l'aurait souhaité, concentrée sur les contractions intempestives des muscles de son buste, afin qu'elles ne provoquent plus de grimaces tout aussi intempestives. Son bazar rassemblé, elle se baissa avec peine, récupéra son sac laissé au sol par Julian, et déclara avec un faible sourire C'est bon on peut y aller ! à l'attention du papa cette fois, qui devait être sacrément impatient à l'idée de partir d'ici et de ne plus y mettre les pieds pour rendre visite à sa pénible nounou. »  

« Le malaise était une sensation à laquelle la jeune femme était étrangement habituée en compagnie de papa Tennant et ce, pour des raisons multiples et variées. Elle la ressentait quand elle faisait une bourde qu'il relevait, quand il la regardait avec un peu plus d'insistance que normalement ou encore quand elle se surprenait elle-même à le dévorer des yeux, quand il rentrait du sport ou sortait de la douche en tenue un peu trop légère. Ce n'était donc pas une sensation nouvelle pour elle. Mais depuis sa petite soirée un peu trop arrosée, c'était une nouvelle forme de malaise qui l'habitait et ne la quittait plus, modifiant totalement son comportement et sa façon d'appréhender cet homme qui lui faisait tant d'effet, il lui fallait bien l'admettre.
Alors les soupirs de l'homme avaient suffit à raviver brutalement son malaise et son désir ardent de s'y soustraire, adoptant alors un comportement totalement différent, et presque dangereux dans son état. Si elle avait pu, elle aurait pris son sac et ses jambes à son cou, juste pour ne pas risquer de déranger davantage le père de famille, comme elle l'avait déjà fait par son comportement cette nuit-là et un peu le lendemain, juste avant son accident.

Heureusement pour elle et pour sa santé, Julian sortit enfin de son apparente torpeur glaciale, redevenant un peu plus l'homme avec qui elle vivait au quotidien. Pas de ça durant quelques jours demoiselle. Austin et moi, on est là pour t'aider. Ce n'était certes pas la déclaration la plus chaleureuse qui aie été faite, mais au niveau de Julian Tennant, c'était déjà beaucoup. Disons qu'il avait beaucoup plus de facilité à la chambrer et la taquiner, qu'à être ouvertement gentil et agréable avec elle, et il lui fallut beaucoup d'efforts pour comprendre sa personnalité...elle n'y était toujours pas pleinement parvenue de toute évidence, car elle ne s'était pas attendue à ce revirement, ni même à cette main arrivant dans ses cheveux, comme elle l'avait elle-même fait à Austin quelques instants plus tôt, geste qui ternit presque la déclaration que fit l'homme juste après. Je ne sais pas ce qui te passe par la tête, mais ne va pas croire que tu vas demander moins de soin une fois à la maison. Tu as ordre de nous laisser te faciliter la vie. Elle avait ébouriffé les cheveux d'un petit garçon, pas d'un grand bonheur de 22 ans...elle avait horreur de cette image de petite fille qu'il lui renvoyait relativement souvent ces derniers temps et qui s'opposait radicalement aux avances qu'il avait bien pu lui faire quelques jours plus tôt. Elle n'avait définitivement pas la moindre idée de la façon dont il la percevait dans le fond, mais elle était bien trop fatiguée pour s'en interroger sur le moment. Elle se contenta donc de lui sourire, quand même touchée par son apparente volonté de prendre soin d'elle, avant de se laisser guider vers l'extérieur par son petit prince.

Le trajet fut animé par les histoires d'Austin, reçue une fois de plus par les oreilles plus que distraites de sa nounou, parfaitement silencieuse, concentrée sur la route et les éventuelles bosses qu'elle pouvait contenir...le voir venir ne les rendait pas moins inconfortables, mais lui laissaient au moins le temps de s'y préparer. Elle s'autorisa malgré tout à jeter un coup d'oeil discret du côté du conducteur, à qui elle trouva un air étrangement préoccupé. Elle dût bien sur se retenir de penser qu'une fois de plus, c'était elle et son état qui lui pesaient, préférant replacer son attention sur la route. Ce fut avec une joie évidente, qu'elle vit la maison familiale se dessiner sous ses yeux, mettant fin à son calvaire.

Elle descendit de son carrosse avec l'aide de Julian, faisant une fois de plus abstraction des étranges réactions qu'avaient son corps dès qu'il se trouvait un peu trop près d'elle, tandis qu'un sourire amusé illuminait enfin son visage, à l'entente des joyeux aboiements du toutou de la famille qui, à peine la porte ouverte, lui sauta dessus.
Salut toi ! elle lui dit alors en tapotant furtivement le haut de sa tête quand cette dernière atteignait le bout de ses doigts lors des bonds désordonnés de l'animal.

Ce fut la main de Julian posée dans son dos qui attira de nouveau son attention, l'incitant à lever la tête vers lui, agréablement surprise par la douceur dont il faisait preuve avec elle. Austin voulait que tu sois à l'aise pour ton retour. Le regard de la jeune femme se teinta d'interrogation, cherchant à savoir où Julian voulait en venir au juste, tandis qu'elle posait le regard sur le petit garçon, toujours en quête de réponse. Mais les protestations d'Austin éveillèrent encore plus l'intérêt de Skye, qui tourna de nouveau la tête vers Julian, qui avait étrangement l'air contrarié. Son regard oscilla quelques instant entre les deux hommes de la famille, comprenant qu'il y avait anguille sous roche et même, baleine sous gravillon.
Austin oui...bien sûr... elle rétorqua, peu convaincue par ce qui venait de se passer, tandis qu'un léger sourire vint égayer son visage, amusée par les efforts que pouvaient faire Julian juste pour ne pas montrer qu'il pouvait être attentionné quand il le voulait.

Son attention se porta ensuite enfin sur la petite surprise préparée par "Austin", ce qui lui réchauffa le coeur. Julian se rapprocha d'elle pour lui prodiguer une leçon de morale, qui étrangement ne l'agaça pas, bien au contraire. Il avait même fichtrement raison de lui rappeler cette fâcheuse tendance qui était la sienne. Sa famille et Duncan étaient jusqu'alors, les seuls personnes sur qui elle pouvait et voulait compter, et bien qu'elle soit relativement bien entourée, elle n'accordait pas sa confiance facilement, et il n'était pas inutile de lui rappeler que le faire plus souvent pouvait lui être bénéfique, surtout maintenant que Duncan n'était plus là.

J'y penserais la prochaine fois.... Elle lui dit en souriant, avant de porter de nouveau son attention sur la petite surprise de ses deux hommes. Ca te plait ? lui demanda alors le petit garçon, plein d'espoir. Beaucoup oui. Merci ! Elle lui dit en souriant, sans pouvoir s'empêcher d'adresser un regard à Julian, a qui s'adressaient vraiment ces remerciements dans le fond.
Sans plus attendre, le petit garçon, se mit à tirer sur sa main pour l'inciter a s'installer dans le petit coin qui lui était destiné, et elle le suivit sans se faire prier. A peine installée, le petit garçon déplia non sans peine, l'un des deux plaids, qu'il installa sur ses genoux, avant de grimper à ses côtés et de s'installer avec précaution contre elle en s'assurant une fois de plus que sa surprise lui plaisait bien. Alors qu'ils discutaient tous les deux, la jeune femme, épuisée par tout ce qu'elle avait vécu et par les médicaments qui coulaient encore dans ses veines, se sentit partir, confortablement installée sur ce canapé, son petit prince dans les bras.


Elle se réveilla quelques heures plus tard, toute seule sur le canapé et un peu déphasée, cherchant à comprendre ce qu'elle faisait là... »